
introduction:
Cette étude est le résultat de nombreuses années de travail de terrain dans le domaine de la protection des droits de l’homme dans les lieux de privation de liberté.
Cette présence sur le terrain s’est toujours accompagnée d’une réflexion d’étude constante, d’observations de la réalité et d’études de suivi sur la privation de liberté, un domaine qui a connu plusieurs évolutions au cours des dernières décennies.
Parler de protection des droits de l’homme dans les lieux de privation de liberté en général, et dans le domaine pénitentiaire en particulier, nécessite une connaissance des normes nationales et internationales.Mais cette connaissance seule ne suffit pas sans avoir une idée précise sur ces lieux, à travers des visites aux institutions où se trouvent des personnes privées de liberté, d’une part, et d’autre part, sans réfléchir à l’accommodation des normes susmentionnées à la réalité sur le terrain.
Le but de cette modeste initiative est de contribuer à la réforme de la législation relative aux institutions pénitentiaires, notamment le projet de loi 23-10 à la lumière des « Règles Mandela ».
A noter qu’en 2016, la Délégation générale de l’administration pénitentiaire et à la réinsertion a déposé un projet de loi pénitentiaire. A cette époque, elle avait demandé la contribution de toutes les institutions gouvernementales, en plus du
Conseil national des droits de l’homme et la société civile concernée par cette question pour formuler leurs avis à ce sujet.
Il est urgent de réformer le droit pénitentiaire afin de le mettre en conformité avec :
Arrêté Royal n° 1.08.49 du 29 avril 2008 portant nomination du Délégué Général à l’Administration Pénitentiaire et à la Réinsertion et ses attributions. Depuis cette date, la tutelle de ce secteur a été transférée du Ministère de la Justice à la Présidence du Gouvernement.
Cela revient à supprimer tous les pouvoirs accordés par la loi 98-23 au Garde des Sceaux, comme c’est le cas par exemple dans :
– Article 3 : « Les établissements pénitentiaires sont répartis en catégories, selon leur importance et leur spécialisation, par décision du Ministre de la Justice.
Article 45 : « Les détenus qui exercent une activité productive bénéficient d’une indemnisation équitable dont le montant est fixé par décision conjointe du ministre de la Justice et du ministre des Finances. »
– Article 46 : « Le Ministre de la Justice peut accorder à certains condamnés ayant purgé la moitié de leur peine et se distinguant par leur bonne conduite, soit d’office, soit sur proposition du Directeur de l’Administration Pénitentiaire, des autorisations de sortie pour une durée n’excédant pas dix jours, notamment à l’occasion des fêtes nationales et religieuses, ou dans le but de préserver les liens familiaux ou de préparer leur intégration sociale.
– Article 84 : « Les détenus peuvent recevoir la visite, avec l’autorisation du directeur de l’administration pénitentiaire, de membres d’organisations et d’associations de défense des droits de l’homme, ou de membres d’organismes religieux, dont la visite vise à renforcer et développer l’assistance éducative apportée au bénéfice des détenus et leur fournir, ainsi qu’à leurs familles, un soutien spirituel, moral et matériel lorsque cela est nécessaire, et contribuer à la réintégration de ceux qui seront libérés.
Toute personne ou membre d’une association intéressée par l’étude des projets et programmes de rééducation peut se voir accorder des autorisations spéciales et exceptionnelles pour visiter les établissements pénitentiaires.
Ces visiteurs ne peuvent accéder dans dans les centres de détention, et avoir des contacts directs avec les détenus sauf autorisation spéciale du ministre de la Justice.
– Article 86 : « Il est interdit de prendre des photos , des vidéos , des scènes, des dessins ou des enregistrements audio, à l’intérieur ou à proximité immédiate des institutions, sauf autorisation du ministre de la Justice. »
– Les dispositions de la nouvelle Constitution marocaine édictée par le décret n° 1.11.91 du 29 juillet 2011, notamment celles relatives aux droits des détenus mentionnés au paragraphe 5 de l’article 23, qui dispose :
« Toute personne détenue jouit des droits fondamentaux et conditions de détention humaine. Il peut bénéficier de programmes de formation et de réinsertion », comme l’a indiqué le ministre de la Justice dans sa présentation du projet de loi 23-10.
» Les nouvelles obligations internationales du Maroc en matière de respect des droits de l’homme dans les lieux de privation de liberté, notamment la ratification du Protocole facultatif à la Convention contre la torture et autres peines cruelles, inhumaines ou dégradantes ».
Ainsi, notre choix d’inscrire ce projet de loi sur les « Règles Mandela », dans le cadre de cette modeste contribution à la réforme du droit pénitentiaire, est né de la considération que ces règles représentent l’essentiel de ce que les spécialistes de ces affaires considèrent comme le minimum requis en matière de gestion des établissements pénitentiaires.
C’est pourquoi l’Assemblée générale des Nations Unies, dans sa résolution 72/193, a encouragé les États membres à promouvoir l’application pratique de l’Ensemble de règles minima des Nations Unies pour le traitement des prisonniers (Règles Nelson Mandela) et à utiliser ces règles comme guide pour le développement des lois et des politiques régissant les pratiques pénitentiaires.
En termes de méthodologie, nous allons :
D’une part, en rappelant les évolutions, tant formelles que conventionnelles, du projet de loi 23-10 et d’autre part, en enregistrant quelques observations sur l’évolution de ce projet , à la lumière des Règles Mandela, tout en soumettant des propositions d’amendement.
Nous attirons l’attention de nos lecteurs sur quelques points fondamentaux qui doivent être pris en considération :
– Ce travail n’est pas une étude juridique. Cette tâche sera laissée à des spécialistes des domaines juridiques. Notre contribution à la réforme du droit pénitentiaire est celle d’un technicien de terrain, dans une perspective des droits de l’homme.
En plus, il constitue une présentation de ce qui est dit dans le texte du projet de loi. Il ne s’agit en aucun cas d’une analyse de l’applicabilité de ses dispositions, nous aborderons ce sujet dans d’autres ouvrages.
Enfin ,ce travail se concentrera sur les droits fondamentaux des détenus, plus que sur d’autres aspects de l’administration pénitentiaire.